10 juillet 2019

Accord collectif national du 9 juillet 2019 relatif aux emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières (ECAP) dans le bâtiment

Bâtiment et travaux publics
TI

Texte de base

Conditions d'aptitude particulières (ECAP) dans le bâtiment
Préambule
en vigueur non-étendue

Le secteur du bâtiment est aujourd'hui composé de 160 000 entreprises employant 1 069 000 salariés au sein d'entreprises de toutes tailles.

En constante évolution du point de vue des techniques et des pratiques, les différentes activités du bâtiment sont principalement exercées sur chantier et en atelier. Certaines activités de chantier et d'atelier dans le bâtiment comportent un haut niveau de risques professionnels, les entreprises et leurs salariés intervenant sur chantiers étant de surcroît contraints de s'adapter en permanence tant aux particularités du site et aux conditions climatiques qu'aux risques liés la coactivité entre les intervenants.

À cet égard, les partenaires sociaux considèrent que la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre doivent prendre en compte les risques liés à la coactivité dès la conception des opérations.

Compte tenu des exigences physiques d'un grand nombre de ces activités, la prévention des risques professionnels et la préservation de la santé au travail constituent des enjeux majeurs pour le bâtiment.

Ces caractéristiques inhérentes aux métiers du bâtiment ont justifié le développement d'une politique de prévention des risques professionnels et de suivi de la santé au travail des salariés afin d'aider les entreprises de toutes tailles et plus particulièrement les plus petites d'entre elles, notamment avec la création par la profession il y a plus de 70 ans de l'organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP) et des services interentreprises de santé au travail BTP (SIST BTP) qui participent aujourd'hui à la prévention au côté des services interprofessionnels et des services de prévention des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).

Tout en cherchant à en améliorer l'efficience, les parties au présent accord réaffirment que les organismes de branche et les autres services interprofessionnels chargés du suivi des salariés BTP, en matière de prévention et de santé, sont invités à développer et à mettre en œuvre une synergie de moyens.

Les statistiques de sinistralité relatives aux accidents du travail dans le BTP montrent les progrès significatifs accomplis par le BTP en matière de prévention, les parties au présent accord ayant conscience que les mêmes efforts doivent se poursuivre sur le champ de la maladie professionnelle.

Dans ce contexte, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel relative notamment à l'emploi des salariés en situation de handicap a pour objectif d'encourager l'entreprise inclusive et invite les partenaires sociaux à engager une négociation sur les emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières.

Dans le secteur de la construction, les salariés en situation de handicap représentaient en 2006 2,1 % des salariés employés dans le périmètre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés incombant aux entreprises (données DARES, novembre 2008, n° 46.1). En 2015, ils en représentaient 3 % (données DARES, novembre 2018, n° 051) traduisant ainsi une plus grande implication des entreprises en matière d'emploi de ces salariés.

Tout en tenant compte de l'ensemble des contraintes et conditions spécifiques du travail sur chantier, les parties au présent accord souhaitent confirmer leur volonté de poursuivre cette évolution positive et favoriser une démarche d'insertion et de maintien dans l'emploi de personnes en situation de handicap. À cet effet, des échanges paritaires se tiendront à l'automne 2019.

En s'inscrivant dans une démarche constante de prévention et voulant en conserver la dynamique, ils ont procédé à une lecture partagée de la liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières.

Le présent accord relatif aux emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières est pris en application des dispositions de l'article 67. V de la loi du 5 septembre 2018 et de l'article L. 5212-9 du code du travail.


I. – Emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières (ECAP)
en vigueur non-étendue

– La création d'une liste d'emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières dans le cadre de la loi du 10 juillet 1987 , modifiée par la loi du 11 février 2005 , correspond à une approche pragmatique directement en lien avec le niveau élevé des risques professionnels dans les activités du bâtiment, rendant de manière générale particulièrement complexe l'emploi de personnes en situation de handicap moteur, mental, sensoriel, ou psychique sans aggravation immédiate du risque professionnel pour elles-mêmes et pour leur environnement.

Les parties au présent accord tiennent néanmoins à rappeler que la liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières pourra faire l'objet d'une adaptation compte tenu des exigences professionnelles essentielles et déterminantes de l'emploi et des évolutions avérées de l'environnement de chantier. La liste n'a donc pas vocation à interdire l'emploi de personnes en situation de handicap sur les postes figurant sur cette liste, sous réserve que leur aptitude à occuper le poste qui leur est destiné, ait été dûment constatée par le médecin du travail.

Les parties rappellent que les postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du salarié, celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement de travail, relèvent du suivi individuel renforcé comprenant un examen médical effectué par le médecin du travail.

La liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières n'a pas pour effet de remettre en cause la réglementation existante, ni de supprimer l'obligation d'emploi incombant aux entreprises. À cet égard, toutes les entreprises concernées, ayant des emplois pouvant relever des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières, doivent néanmoins remplir toutes les obligations liées à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) et peuvent être soumises à la contribution et le cas échéant à la surcontribution financière. La liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières n'a pas non plus pour effet de dispenser l'entreprise de son obligation de reclassement en cas de déclaration d'inaptitude au poste de travail reconnue par le médecin du travail.

– La liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières procède en revanche d'un véritable objectif de prévention afin de tenir compte des contraintes et exigences de la nature du travail et de leur environnement au regard des risques professionnels.

En effet, certains métiers de chantier et d'atelier dans le bâtiment présentent des risques non contestables, qui ne permettent pas d'assurer pleinement l'emploi direct des personnes en situation de handicap dans des conditions de sécurité optimale.

De manière générale, la spécificité des activités réalisées par les entreprises du bâtiment exige en effet une adaptation permanente des salariés à leur poste et à un environnement de travail très évolutif et variable en fonction des lieux de travail, mobiles par nature, de l'évolution permanente des tâches à effectuer au gré de l'avancement des travaux, de la polyvalence des tâches des salariés, des interventions simultanées de plusieurs corps d'état.

De plus, l'intervention sur chantier requiert une grande vigilance vis-à-vis de l'environnement de travail afin de ne pas exposer non plus les autres intervenants sur chantier à l'occasion de l'exécution de ses propres tâches.

Cette situation ne permet pas de modéliser les postes de travail puis de décomposer les tâches afin d'isoler celles pouvant être confiées à des salariés en situation de handicap. La difficulté inhérente à ces métiers rend très exigeante pour les entreprises du bâtiment l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'entreprise. C'est la raison pour laquelle, dès l'origine a été mis en place le système des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières pour prendre directement en compte la situation particulière des activités du bâtiment.

Pour les mêmes raisons, les entreprises ne parviennent pas à opérer des aménagements de postes considérés comme raisonnables au sens de la directive du 27 novembre 2000, traduite en droit interne par la loi du 11 février 2005, pour de nombreuses activités de chantiers compte tenu de la nature même des postes et des lieux de travail.

À titre d'exemple, la mise en accessibilité des chantiers successifs constituerait une charge disproportionnée pour l'employeur compte tenu de la nature des activités du secteur du bâtiment mais aussi au regard de la taille de ses entreprises.

– Les parties au présent accord se sont également interrogées sur l'impact de la transition numérique sur l'évolution des activités, les nouvelles technologies ne transformant pas les métiers de la même manière selon les secteurs. Elles en concluent que la liste actuelle des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières figurant à l'article D. 5212-25 du code du travail et applicable au secteur du bâtiment demeure adaptée.

Les évolutions technologiques induisent des transformations des modes de production avec des conséquences sur les postes, le travail et l'emploi plus largement. Même si les entreprises du bâtiment (gros œuvre et second œuvre) se sont globalement toutes appropriées les outils et les usages courants du numérique (ordinateur, smartphones, logiciels de devis, etc.), la majorité d'entre elles exploite peu le numérique dans les activités de production (scanner 3D, station GPS, exosquelettes, drones, etc.). Le numérique est davantage utilisé dans les tâches tertiaires que sur les chantiers. La transition numérique à ce stade dans le secteur du bâtiment représente une opportunité plus qu'une réalisation quotidienne.

C'est pourquoi, la liste actuelle des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières dans le secteur du bâtiment, fondée dès l'origine sur des considérations de santé et de sécurité, se trouve toujours être d'actualité. Cette liste ne peut être aujourd'hui modifiée sur le fondement de la transition numérique et de potentielles évolutions technologiques qui n'ont pas encore pleinement pénétré le secteur du bâtiment. Pour autant, les organisations d'employeurs accompagnent et encouragent les entreprises souhaitant développer les nouvelles technologies ; les organisations de salariés s'associent dans cette démarche.

C'est pourquoi, pour les motifs précédemment exposés, les parties au présent accord entendent réaffirmer le maintien de la liste actuelle citée à l'article D. 5212-25 du code du travail pour les codes suivants.

621-a Chefs d'équipe du gros œuvre et des travaux publics.
621-b Ouvriers qualifiés du travail en béton.
621-c Conducteurs qualifiés d'engins de chantiers du bâtiment et des travaux publics.
624-d Monteurs qualifiés en structures métalliques.
632-a Maçons qualifiés.
632-c Charpentiers en bois qualifiés.
632-e Couvreurs qualifiés.
641-a Conducteurs routiers et grands routiers.
643-a Conducteurs livreurs et coursiers.
651-a Conducteurs d'engins lourds de levage.
651-b Conducteurs d'engins lourds de manœuvre.
671-c Ouvriers non qualifiés des travaux publics et du travail du béton.
681-a Ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment.

II. – Autres dispositions
en vigueur non-étendue

Commission de suivi

Une commission de suivi de l'accord réunissant l'ensemble des parties signataires se réunira tous les 5 ans pour apprécier les effets du présent accord.

Entrée en vigueur. – Dénonciation. – Révision

Le présent accord entrera en vigueur le 10 juillet 2019. Il est conclu pour une durée indéterminée. Il pourra être dénoncé en tout ou partie par l'une des organisations signataires après un préavis minimum de 6 mois. Cette dénonciation devra être notifiée à toutes les autres organisations signataires par lettre recommandée avec avis de réception et déposée auprès des services centraux du ministre chargé du travail.

En cas de dénonciation totale ou partielle par l'une des organisations signataires, la disposition dénoncée ou la totalité du préavis restera en vigueur pendant une durée de 1 an à partir de l'expiration du délai de préavis fixé au paragraphe précédent, à moins qu'un nouveau texte ne l'ait remplacée avant cette date.

Toute modification, révision totale ou partielle, ou adaptation des dispositions du présent accord ne peut être effectuée que par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés du bâtiment représentatives au plan national.

Les demandes de révision du présent accord doivent être effectuées dans les formes prévues pour la dénonciation, à l'exception du dépôt auprès des services centraux du ministre chargé du travail, et sont accompagnées, le cas échéant, d'un projet concernant les points dont la révision est demandée.

Adhésion

Toute organisation représentative au plan national non-signataire du présent accord pourra y adhérer ultérieurement par simple déclaration à la direction départementale du travail et de l'emploi de Paris où il aura été déposé. Elle devra également en aviser par lettre recommandée toutes les organisations signataires.

Dépôt

Conformément au code du travail, le présent accord sera déposé à la direction générale du travail et remis au secrétariat-greffe du conseil de prud'hommes de Paris.